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The Icarus Project et Cora Foxx

Traduction : Projet Icarus

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Sentiments suicidaires et justice sociale https://icarus.poivron.org/sentiments_suicidaires/ https://icarus.poivron.org/sentiments_suicidaires/#respond Wed, 03 Jun 2015 18:42:22 +0000 https://icarus.poivron.org/?p=205 Sentiments suicidaires et justice sociale

Voici la transcription d’une conférence de Will Hall intitulée: « Sentiments suicidaires et justice sociale » lors du 6ème Congrès Mondial sur l’Entente de Voix à Thessalonique en octobre 2014

Le suicide est un mystère

Puisqu’il s’agit d’un discours sur les sentiments suicidaires et la justice sociale, j’ai pensé commencer avec une blague… En fait il s’agit d’une histoire vraie : C’est une amie proche qui était devenue très suicidaire et voulait mourir, en finir avec la vie…
Alors elle a appelé « s.o.s suicide »…
et elle a été mise en attente…
Et elle m’a dit : « ces 40 minutes de musique d’attente m’ont sauvée la vie ! »

Je pense qu’un des plus importants messages pour comprendre les sentiments suicidaires
c’est que le suicide est un mystère.
Quand quelqu’un décide de se supprimer, on ne peut pas dire simplement qu’on comprend les causes de ce pourquoi ça arrive.

Parler de ses envies suicidaires est positif

Certains en parlent avant, d’autres n’en parlent pas du tout.
Alors quand quelqu’un nous parle de ses sentiments suicidaires c’est un moment très important.
C’est une réponse importante que nous devons leur donner.
C’est une opportunité cruciale de se connecter à eux parce que beaucoup de gens n’en parle pas.
Nous devons voir que c’est un fait positif.

Parler de ses sentiments suicidaires est quelque-chose de positif !

Alors quand j’ai été appelé, il y a quelques semaines par une patiente en crise qui voulait se suicider, j’étais content qu’elle m’aie appelé ! Et nous avons parlé. Elle m’a expliqué qu’elle avait très peur, elle se sentait en danger. Qu’elle faisait des préparatifs. Qu’elle avait prévu ce qu’il fallait pour ces trois chats qu’elle aimait. Elle avait prévu qu’une amie s’en occupe quand elle serait partie. Alors à ce moment là… – J’avais peur pour elle bien sûr. – J’aurais pu commencer à faire ce que font les professionnels… Ce qu’ils font c’est qu’ils commencent une évaluation, une évaluation des risques de suicide. Car elle présentait un de ces facteurs de risques. Il apparaît que si vous parliez avec elle, elle présentait beaucoup de ces facteurs de risques : en fait, elle a été dans le système de soins avant, et elle sait quels sont ces facteurs de risques et elle encadre sa propre expérience selon sa propre évaluation intériorisée.

Peut-on prévoir si une personne se suicidera ou non ?

Alors la question est : qu’en est-il de ces évaluations que tout le monde fait ?

En fait, j’ai fait quelques recherches. J’ai jeté un œil sur cette question : Est-il possible si vous faites une évaluation de quelqu’un, si vous l’interviewez, si vous trouvez, si vous observez tous les facteurs de risques, si vous regardez tous les différents ingrédients qui composent sa vie… Est-il possible de prévoir si oui ou non elle va se tuer ?

La réponse est très claire, il existe un domaine d’étude appelé suicidologie. En fait, des recherches ont été faites par l’armée américaine, ils sont très intéressés par le suicide, savoir si telle ou telle personne commettra ou non un suicide. Et se sont très sérieusement penchés sur la question :
Est-ce qu’un clinicien peut prévoir si une personne se suicidera ou non ?
Et la réponse est sans ambiguïté : NON !
Il n’existe aucun moyen de prédire si une personne se suicidera ou non, même lorsque tous les facteurs de risques sont réunis ou que vous avez toutes les informations préalables.

Alors à quoi servent ces évaluations ? Qu’est ce que vous évaluez quand vous évaluez les risques de suicide ? Et bien, vous évaluez jusqu’à quel point le clinicien a peur que vous vous tuiez. Et jusqu’à quel point ils ont peur d’être blâmés ou considérés comme responsables par un supérieur. C’est ce que montrent ces évaluations. Elles n’ont pas de validité clinique pour prédire les suicides.
Ce qu’elles font c’est qu’elles expriment la peur qu’ont les autorités institutionnelles d’être tenues pour responsables, contraintes de rendre des comptes, susceptibles d’être blâmées…
Et la réalité est que lorsque quelqu’un meurt chacun se met à accuser tout le monde. Ce qui ne veut pas dire que nous ayons des solutions sur ce qui cause ou ce qui ferait qu’une personne se suicide et une autre non, ça veut juste dire qu’il y a beaucoup d’intérêt à blâmer.

La première cause de placement d’office en psychiatrie

Donc c’est vraiment ce sur quoi porte l’évaluation des risques de suicide. Une des raisons pour lesquelles ça me passionne de parler de sentiments suicidaires et d’évaluation des risques… De faire que les gens regardent les recherches qui ne défendent pas qu’on puisse prédire qui va se suicider ou non – une des raisons est que dire que quelqu’un présente un risque de suicide est une des premières raisons pour lesquelles des gens sont placés de force en psychiatrie.
C’est la première raison d’être de violence commise contre les personnes au nom de leur protection, et de leur sécurité.
Donc si on est sérieux avec la justice sociale, si on est sérieux à propos des droits humains, si on est sérieux avec le fait de prévenir les préjudices engendrés par le système psychiatrique, si on est sérieux avec la prévention des traumatismes crées par le système psychiatrique, alors on doit questionner ce sujet de l’évaluation des risques de suicide et regarder ce qui se passe quand on dit à un professionnel qu’on a des envies suicidaires. On doit regarder ça de très prés, parce que c’est le rationnel, c’est ce que disent les professionnels. Ils disent :  « Bon, vous présentez un risque de suicide, nous pensons que vous allez vous suicider, alors donc, bon vous savez, c’est peut-être un petit peu désagréable d’être à l’hôpital mais c’est plus sûr que de mourir. »
C’est conditionné par une prédiction du futur basée sur une évaluation des risques défectueuse. Ce n’est pas basé sur la réalité, c’est l’expression de la peur du clinicien.

Il faut pouvoir parler librement de ses envies suicidaires

Donc, nous devons être très clairs là dessus. Et si nous voulons contester les traitements forcés je pense que nous devons parler plus ouvertement des sentiments suicidaires. Donc regardez ces recherches, les recherches qui ont été faites par l’armée U.S, sur le fait qu’on ne peut pas prévoir en se basant sur les différents facteurs de risque.
Maintenant ce qui se passe, c’est qu’avant que vous soyez forcé d’être hospitalisé ou forcé de suivre un traitement et que quelqu’un vous demande : « Est-ce que vous vous sentez suicidaire ? » Vous allez répondre : « Oui absolument ! » Vous voulez de l’aide, vous voulez que quelqu’un vous écoute, vous êtes soucieux d’obtenir certains services … Donc vous allez dire « Oui ! Je suis suicidaire ! » et c’est probablement la dernière fois que vous serez ouvert au sujet de vos sentiments suicidaires parce-que ce qui se passe souvent c’est là que vous serez enfermé contre votre volonté, c’est là que la contrainte aura lieu.
Maintenant je dois dire que je ne suis pas toujours contre l’hospitalisation, je sais qu’il y a des gens qui se sont sentis en sécurité dans le fait d’être à l’hôpital. En fait, je soutien les gens qui vont volontairement à l’hôpital, je connais aussi des gens qui ont été hospitalisé de force et en sont reconnaissants. Mais la réalité c’est que le risque est trop grand. Il y a trop des gens qui sont traumatisés, qui sont blessés, qui sont sérieusement, sérieusement abîmés, par l’hospitalisation psychiatrique et qui par conséquent vont apprendre à ne pas parler de leurs sentiments suicidaires. Les gens apprennent à ne pas parler de leurs sentiments suicidaires à cause du traitement qu’ils on reçus.

Un système rétrograde

Réfléchissez-y, c’est complètement rétrograde, nous devrions encourager les gens à parler de leurs envies suicidaires, nous devrions encourager les gens à se connecter avec des professionnels, avec leur communauté, avec des groupes de soutien, des membres de leur famille et à parler librement de leurs sentiments parce que nous voulons que tout le monde puisse parler de ses détresses, nous ne voulons pas que les gens soient seuls. Ce que nous faisons à la place, c’est que la deuxième fois que nous avons affaire au système psychiatrique vous avez appris qu’il ne vaut mieux pas parler de vos sentiments suicidaires sinon on vous privera de votre liberté. Et c’est un problème très sérieux de droits civiques, les gens ont plusieurs de leurs libertés déniées, leurs droits humains basiques sont violés, notre manière de soigner les sentiments suicidaires est l’évaluation des risques, l’intervention forcée et il en résulte que les gens sont moins libres de parler de leurs sentiments suicidaires.

Toute la situation est rétrograde. Il n’y a pas de recherches la dessus, mais je crois que si vous apprenez aux gens à ne pas parler de leurs sentiments suicidaires, il en résultera plus de suicides. Je pense qu’il y a des systèmes de traitements qui sont absolument obsolètes et qui causent plus de suicides qu’ils n’en préviennent.

Vouloir mourir n’est pas une maladie

Alors si vous commencez à regarder la question des sentiments suicidaires, c’est très intéressant parce qu’il y a des parallèles avec l’expérience d’entendre des voix, un de ces parallèles est qu’il est normal d’avoir des sentiments suicidaires. C’est normal d’avoir des sentiments suicidaires. Les sentiments suicidaires sont beaucoup plus communs que nous le supposons.

Il y a un mythe selon lequel lorsque vous vous sentez suicidaire c’est un symptôme de dépression qui nécessite un traitement par médications, c’est un mythe du marketing des compagnies pharmaceutiques. En réalité les sentiments suicidaires sont assez répandus et assez communs dans la société, ça ne veut pas dire que ce soit le signe, le symptôme d’une dépression, ça peut être autre chose qui se passe. Assurément, il n’y a aucune preuve ni recherche sur le fait que les tendances suicidaires soient le fait d’un processus maladif. Et donc de la même manière que nous répondons au fait d’entendre des voix en écoutant, sans juger, juste en écoutant et en explorant.
C’est exactement ce que nous devons faire avec les sentiments suicidaires.

Comprendre les envies suicidaires

Maintenant je considère qu’il y a plein de façons de comprendre les sentiments suicidaires.
Je ne veux pas mettre les choses dans une seule boîte. Mais mon expérience c’est que cette idée que quand on se sent suicidaire, on abandonne la vie, je ne crois pas que ce soit vrai. Je pense que quand les gens abandonnent la vie, ils se réveillent le matin, ils préparent le petit déjeuner pour leurs enfants, ils vont au travail, ils reviennent, ils regardent la télévision, ils vont se coucher, ils se réveillent le matin , ils vont au travail… Abandonner la vie est sacrément normal. En réalité la plupart des gens expérimente beaucoup de façons d’abandonner la vie.

Je crois qu’en réalité les sentiments suicidaires sont un message, tout comme nous recevons un message par les voix. C’est pourquoi il est très important de ne pas nécessairement aller à l’encontre du message.

J’ai tendance à voir chez les gens avec qui je travaille et dans ma propre expérience que les tendances suicidaires ne sont pas un abandon de la vie. Les sentiments suicidaires sont un besoin désespéré de changer de vie. Et cette passion, cette intensité, « Je dois changer, je dois absolument réaliser ce changement ou alors ma vie ne vaut plus la peine d’être vécue ! »  se combine avec un sentiment totalement paralysant d’être incapable de rendre ce changement possible.
Donc ce que j’observe est que les sentiments suicidaires tendent à être une combinaison entre un besoin désespéré de changement et un sentiment paralysant d’être incapable de rendre ce changement possible.

Écouter le message du changement

Donc je vous encourage, lorsque vous pensez à ces sentiments en vous, ou chez d’autres de peut-être explorer cela comme une structure.
Parce que si le changement dont vous avez besoin est si important, si important que vous voulez mourir plutôt que d’abandonner ce changement. N’est-il pas important de savoir sur quoi porte ce changement ? Et de travailler avec la personne ?
Et ceci explique pourquoi quand quelqu’un a des sentiments suicidaires… Si vous essayez de leur parler de pourquoi une vie de travail vaut la peine d’être vécue et qu’il y a toutes ces choses à faire et qu’ils ne devraient pas se tuer… Pourquoi est-ce que ça produit souvent l’effet inverse ?
Parce que vous êtes en train de dénier la vérité, la validité et l’importance du message de ce changement qu’elles on vraiment besoin de réaliser.
Si vous leur dites: « Regarde, la vie vaut la peine ! Ne soit pas suicidaire ! » C’est comme si vous leur disiez : « N’écoute pas le message du changement ! » et ce message de changement est vraiment vraiment important !

Un sens pour le collectif

Souvent il en faut peu juste pour que le message parvienne à la surface et pour pouvoir en parler, en disant : «  Regarde, travaillons dessus, quels que que soient les changements dont tu as besoin dans ta situation, tes relations, si tu as une douleur physique, si tu as perdu le sens, dans l’éducation, ta carrière, l’économie, voyons quel changement nous pouvons amorcer, voyons quels espoirs nous pouvons développer pour réaliser ce changement. »
Maintenant le contexte général de cela est que bien sûr toute expérience a du sens et c’est vraiment vraiment vital parce que ce n’est pas seulement que ce message a du sens en lui même mais il a du sens pour le collectif !
Nous savons, grâce aux recherches, que les suicides augmentent quand il y a des crises économiques, des situations d’oppression et que l’impérialisme global s’effondre dans votre pays comme c’est arrivé en Grèce, les taux de suicide augmentent.
Donc les messages de changements peuvent potentiellement collectivement nourrir un message de justice sociale et permettre de travailler ensemble pour ces changements.

Vivre avec des sentiments suicidaires

Je dois dire qu’en plus de travailler avec beaucoup de personnes et de travailler dans des groupes de soutien, d’entraide ou en tant que thérapeute, je vis moi-même avec des sentiments suicidaires. Parfois je traverse des périodes où je veux mourir et je dois dire que je ne vais pas me tuer, j’y crois vraiment. Dans le fait d’être en vie, je ne vais pas supprimer ma vie mais j’ai parfois des sentiments suicidaires très difficiles et très douloureux.
Mais je ne veux pas mourir, donc si vous lisez «  Will Hall a été retrouvé mort, suite à un suicide » ce n’était pas moi, c’était la C.I.A qui a fait pour que ça ressemble à un suicide.
Est-ce que c’est de la paranoïa ? Je crois que je vis aussi avec des sentiments paranoïaques. C’est aussi une expérience normale. Les recherches montrent que la paranoïa est quelque chose de normal, en vrai il y a des cultures dans le monde qui sont basées sur de la paranoïa, être suspicieux et croire que les gens complotent contre vous est la façon normale dont les gens interagissent dans ces sociétés, ces cultures…
Donc je vis avec ces expériences de sentiments suicidaires et j’en suis reconnaissant parce que ça me passionne pour le changement et j’essaye d’aller au-delà de ça et d’aller dans un sens où j’ai de l’espoir pour réaliser ces changements, que je ne sois pas impuissant, que je puisse retrouver du pouvoir, que je puisse réaliser ces changements .

Vous n’êtes pas seul !

La meilleur façon de ne pas se sentir impuissant est de ne pas être seul, c’est la première façon ! c’est pourquoi c’est si vital quand nous faisons nos groupes de soutien, avec le Hearing Voices Group, le Freedom Center, aux états-unis et toute l’histoire du soutien par les pairs, c’est pourquoi c’est si vital que nous invitions les gens à parler de leurs sentiments suicidaires, que nous ayons cette confidentialité, que ce ne soit pas rapporté ni mandaté ni divulgué qu’ils aillent à l’hôpital ou auprès des autorités…Parce que pour trouver la force de créer des changements nous devons dépasser nos isolements.

Oh damn I wish that I were dead

Je voulais juste conclure par un poème d’une grande poète américaine : Marylin Monroe. Elle est aussi actrice, vous la connaissez peut-être. Elle se débattait avec des sentiments suicidaires. Je ne crois pas qu’elle se soit suicidée , je crois qu’elle a été tuée mais ça c’est un autre atelier…
Mais voici un poème de Marilyn Monroe :

Oh damn
j’aimerais être morte
– Absolument non existante –
Partie loin d’ici
de partout
Mais comment ferais-je ?
Il y a toujours des ponts
Le pont de Brooklyn
Non, pas le pont de Brooklyn
mais j’aime ce pont
Tout est magnifique de là
et l’air est si pur
Marcher est si apaisant là
Même avec ces voitures qui deviennent folles en dessous
Donc il y a doit bien y avoir un autre pont
un hideux et sans point de vue…
A part que j’aime particulièrement tous les ponts
Il y a quelque chose en eux
et par ailleurs je n’ai jamais vu de pont hideux.

J’espère qu’en ayant écouté ce poème de Marylin Monroe vous aurez compris pourquoi je ne crois pas qu’elle voulait mourir, pourquoi je crois qu’elle voulait changer .

Will Hall, Thessalonique octobre 2014

 

Poème griffonnée de Marylin Monroe

Poème griffonnée de Marylin Monroe

Oh damn I wish that I were
dead — absolutely nonexistent —
gone away from here — from
everywhere but how would I do it
There is always bridges — the Brooklyn
bridge — no not the Brooklyn Bridge
because
But I love that bridge (everything is beautiful from there and the air is so clean) walking it seems

peaceful there even with all those
cars going crazy underneath. So
it would have to be some other bridge
an ugly one and with no view — except
I particularly like in particular all bridges — there’s some-
thing about them and besides these I’ve
never seen an ugly bridge

Marylin Monroe

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